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Cartographie du bruit et milieux sonores : étudier la ville avec des outils mobiles

Par Jérôme Staub - Dernière modification 11/07/2012 23:36

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niveaux sonores

Contexte de l'étude

Cette expérimentation s'inscrit dans le nouveau programme de géographie de la classe de Seconde (thème 3 : "Aménager la ville", chapitre "Villes et développement durable"). Selon les instructions officielles, ce thème est abordé "à partir de deux études de cas mises en perspective, l'une choisie dans les pays développés, l'autre dans les pays émergents ou en développement."  Il s'organise autour de trois questions principales : celle de l'accroissement et de l'étalement urbains, celle des transports et des mobilités, enfin celle de l'aménagement des villes "durables".

Elle s'appuie sur une sortie pédagogique dans un espace urbain proche (en l'occurrence Limoges), qui peut être adaptée à d'autres villes.

Mise en place

Pour la première étude de cas, le choix s'est porté sur un ensemble de métropoles françaises à différentes échelles : Paris, Nantes et Limoges. L'entrée dans cette étude de cas se fait par l'étude de la cartographie du bruit et des milieux sonores urbains, vecteurs de pollutions et d’aménagements dans des villes marquées par l'étalement urbain et l'enjeu des axes de communications. Cette expérimentation s'appuie sur différents types de documents :

  • Une cartographie du bruit disponible pour Paris et  Nantes, réalisées par des professionnels à l'échelle d'une grande métropole et d'une agglomération
  • Une sortie sur le terrain afin de relever des bruits et  des niveaux sonores dans le but de construire une cartographie sensible de deux  quartiers de Limoges et  de son agglomération (Landouge et le quartier de la mairie)

Cette étude permet de dégager des réflexions communes mais aussi de relever de grandes différences, en fonction de l'importance de la métropole. 

Déroulement :

Cette activité concerne et mobilise trois classes de deux niveaux différents :

  • Une classe de troisième avec l'option informatique (classe TICE)
  • Deux classes de seconde :

    - La première (seconde 2) fait la sortie sur Limoges, collecte les données, les interprète au travers d'une cartographie
    - La deuxième (seconde 5) travaille et analyse la cartographie du bruit de Paris et Nantes.
Le travail des deux classes est mis en commun avec une synthèse pour et par les deux classes de seconde.

Rôle de la classe de troisième TICE

Les élèves de 3ème TICE jouent ici le rôle d'expert dans les outils informatiques et mobiles.
Ils créent et proposent des solutions pour téléphone mobile afin d’enregistrer et mesurer le bruit lors de la sortie.

Ces élèves ont un profil particulier puisqu'ils ont une heure d'informatique en plus depuis le début de l'année.

Plusieurs choix ont été opérés en fonction des possibilités :

mytracks

 

 My Tracks est une application de Google qui s'interface avec Google Maps et Google Navigation. Il permet de géolocaliser en temps réel le porteur du magnétophone et afficher le parcours effectué directement dans Google Maps. Ce parcours est accompagné de relevés de niveaux et peut être exporté au format KMZ pour le retravailler par la suite.

 

 

sonomètre

 

 

Sonomètre est une application de relevés sonores sur les plates-formes IOS et Android.

 

 

 

 kino1

 

Kinomap est une application particulière qui permet de visualiser différemment son environnement (voir l'article "Les applications mobiles géolocalisées en géographie, publié dans la Lettre d'information géomatique n°9).

 

 

noisetube

 

NoiseTube est une application développée en Java Mobile, qui offre la possibilité de faire des relevés sonores géolocalisés en temps réel. Malheureusement, cette application très prometteuse n'a pas pu être utilisée du fait de la grande diversité des portables des élèves et l'incompatibilité de ces derniers avec le langage Java ME.

 

 

Des outils numériques plus classiques ont été utilisés afin de montrer les différences d'enregistrement : un enregistreur numérique, un sonomètre

 

Rôle de la classe de seconde 2 : sortie, relevés et création de cartes

 

1. Déroulement de la sortie

Elle s'est déroulée dans un espace urbain proche du lieu d'enseignement, une agglomération d'environ 130 000 habitants.

  • 9h30-11h30.  Déplacement dans la banlieue proche de Limoges : Landouge.  Située dans la proche banlieue, cet ancien village a été peu à peu absorbé par la ville de Limoges et constitue un exemple marquant de l'étalement urbain. Différentes mesures de niveau sonore ainsi que de nombreux clichés photographiques ont été pris.
landouge

 

  • 11h30-12h00. Mesures de sons autour de la déchetterie de Landouge avec Jérôme Le Crom, technicien à l'urbanisme de la ville de Limoges. Cette association avec la ville de Limoges permet de situer les relevés sonres dans un contexte d'obligation réglementaire tout en découvrant un matériel de professionnel.
  • 13h30-15h30. Cartographie sonore d'un quartier du centre-ville de Limoges. La matinée avait permis de mettre en place les méthodes de relevés selon un parcours défini. L'après midi, la démarche était tournée vers l'autonomie avec une zone géographique à couvrir.
limoges

 

  • 15h30-16h30. Présentation par Jérôme le Crom des missions de la ville de Limoges en matière de pollution sonore et constitution d'une cartographie du bruit pour l'agglomération de Limoges.
lecrom

 

2. Exploitation des données

  • Les données sur les relevés sonores ont donné lieu à la création d'un fichier KMZ reprenant les données collectées. Celles-ci sont représentées en relief, l’attitude d'un mètre correspond à un décibel.
kmzland

 

  • Les fichiers sons ont été sélectionnés et retravaillés en fonction de leur possible exploitation. Ils ont été mis en ligne puis intégrés à la même carte que les relevés sonores. Les clichés photographiques ont fait l'objet du même traitement.
  • Les enregistrements avec Kinomap ont été mis en ligne sur leur site et ont fait l'objet d'un traitement spécial.
kino2

 

  • Une synthèse écrite,  sous forme d'un schéma heuristique, a été réalisé sur Limoges et ces deux quartiers. L'espace observé de Landouge a surtout mis en avant l'étalement urbain et la distinction entre sons ordinaires et sons extraordinaires, sons naturels et sons mécaniques. Ces premières distinctions ont fait l'objet de beaucoup de discussions. Par exemple, comment classer les sons liés à la construction d'une maison neuve dans un lotissement ?  C'est un ensemble de sons extraordinaires dans la mesure où il est lié à un moment particulier du milieu sonore, plutôt marqué par les bruits naturels, mais c'est aussi un ensemble qui perdure sur une année. Cette difficulté a mis en avant  la relativité des relevés sonores, en fonction des échelles de temps et d'espace (l'éloignement de la source de bruit entraîne une déformation...). Dans la cas du quartier de centre-ville, il a été constaté une prédominance des bruits liés aux aménagements routiers, mais dès l'instant où l'on évacue ce type de bruit, on retrouve des sons naturels, sans interventions importantes de l'homme. Ce second bilan met en avant la prédominance des infrastructures de transports routiers et la notion de décroissance urbaine, des espaces urbains peu marqués par les activités humaines.

 

Rôle de la classe de seconde 5 : travail sur la cartographie du bruit à Nantes et Paris

L'autre classe de seconde a effectué un travail complémentaire. Une moitié de classe a analysé la cartographie du bruit de Nantes, l'autre de Paris intra-muros. Il s'agit d'un travail de synthèse, dans la mesure où les cartes disponibles pour ces deux agglomérations de dimensions différentes sont au format PDF avec des éléments très précis.

nantes

Cartographie de Nantes

paris

Cartographie de Paris

Ce travail a permis une comparaison avec les conclusions établies pour la sortie autour de  Limoges. Une première analyse a aussi montrer les différences d'échelles employées.

Création d'un typologie simple des sons

En parallèle à ces travaux sur la cartographie des relevés sonores, un essai de typologie des sons a été proposé. De nombreuses typologies des sons et des effets sonores ont été publiées, offrant un panorama riche mais complexe. Du fait de la qualité des enregistrements et des objectifs visés dans l'étude, une typologie simple, basée sur la morphologie du son, a été mise en place.

Deux principales distinctions ont été faites :

  • Sons ordinaires et sons extraordinaires
  • Sons naturels et sons mécaniques

Ces typologies simples ont permis de montrer la prédominance des sons mécaniques ordinaires, liés surtout aux trafics routiers.

Si on exclut les sons des trafics routiers, on découvre, y compris en centre-ville, une prédominance des sons naturels, modifiant considérablement la perception sonore. C'est une conclusion conforme à des études sur le son, comme celle élaborée par Catherine Semidor à propos des dimanches sans voitures à Bordeaux.

 

Comparaisons et synthèse des cartographies du bruits

La comparaison des cartes des trois agglomérations offre quelques éléments d'analyse pour les deux classes de seconde :

  • Les centres villes de Limoges et Paris, hors infrastructures routières montrent des similitudes en termes de nuisances sonores : les quartiers parisiens ne sont guère plus bruyants que les quartiers de Limoges (même s'il s'agit avant tout du bruit routier à Paris).
  • Les infrastructures de transport  jouent un rôle déterminant , c'est le cœur des dispositifs d'aménagement vers des villes plus durables (encore plus visible à Paris, puisqu'il s'agit du bruit routier).
  • L'étalement urbain est un autre élément important de l'évolution des villes. Vendus comme espace plus "tranquille", ils sont toujours traversé de sons et de bruits intenses, lié à l'édification des pavillons et autres aménagements.
  • L'étalement urbain pose problème : si l'objectif est de réduire ou de trouver des solutions aux problèmes des infrastructures routières notamment, il est nécessaire de contenir cet étalement en proposant une réappropriation des centres villes comme des espaces de vie quotidienne. Si l'on exclut les bruits liés aux voies de communication, les différents quartiers des métropoles, quelle que soit l'échelle, peuvent accueillir cette population urbaine du point de vue de la pollution sonore.

Conclusions et développements

 Cette approche par la cartographie du bruit et des milieux sonores a permis de mener une étude de cas en géographie sur les espaces urbains dans les pays développés en s'appuyant sur les problématiques de l'étalement urbain, de la place des infrastructures routières et des aménagements durables de la ville.

Cette démarche interroge également d'autres domaines :

  • La prééminence du visuel sur l'auditif : depuis la Renaissance, l'aspect visuel a toujours primé sur le sonore. Cette démarche souhaite aussi sensibiliser les élèves à l'écoute des espaces et des milieux sonores en priorité, avant de réintroduire le visuel pour montrer les impacts culturels de cette prééminence.
  • L'usage des appareils mobiles dans l'éducation : l'usage des portables a modifié l'approche que pouvaient en avoir les élèves. Cependant la grande diversité des téléphones portables des élèves, la faible présence des smartphones ont montré des limites : beaucoup de difficulté à trouver des logiciels ou des applications communes, sans entrer dans un catalogue impossible à exploiter: Les téléphones portables ont servi surtout d’enregistreur numérique de sons, d'images et de vidéos. Même si ces usages traditionnels ont été fourni dans un cadre pédagogique nouveau, peu d'élèves ont pu exploiter les applications proposées.
  • La cartographie numérique comme articulation entre une approche "scientifique " du bruit (celle des relevés de niveaux sonores) et une approche plus sensible des milieux sonores (enregistrements des sons, définition d'une typologie). L'utilisation des outils numériques de cartographie a offert la possibilité de mêler sur une même représentation les niveaux sonores et les enregistrements de sons. Bien souvent, il es question de cartographie du bruit liée à la notion de pollution sonore, mettant de côté la restitution toujours plus riche des milieux sonores. Or, ici, la cartographie numérique permet de faire rencontrer ces deux approches, à l'échelle d'une étude de cas du lycée.  

Enfin, cette étude de cas, bien que centrée autour de trois métropoles d'échelle différente, peut être adaptée à n'importe quel espace urbain. La classe de troisième TICE  a joué un rôle spécifique du fait de son statut. L'enseignant peut aussi définir les applications à utiliser. L'utilisation des cartes de Nantes et Paris a permis de pallier en partie l'absence de cartographie du bruit à Limoges. Il est également possible de faire travailler au cours d'une sortie sur le terrain les niveaux et les milieux sonores, puis  de confronter les résultats avec les cartes du son  établies et diffusées par la communauté d'agglomération correspondante. 

De nombreuses activités peuvent être proposées autour de l'étude des milieux sonore en utilisant la cartographie numérique.

 

Ce projet a reçu le prix de la créativité décerné par les enseignants innovants lors du 4ème Forum des Enseignants Innovants et de l'Innovation éducative lien 2). Le projet a donné lieu également à une interview de l'auteur dans le Café pédagogique. 

 

Jérôme Staub, webmestre de la veille géomatique (IFE-ENS Lyon) avec la participation de Vincent Marsick, professeur d'éducation musicale à la cité scolaire Jean-Baptiste Darnet à Saint Yrieix La Perche (87) et Jérôme Le Crom, technicien supérieur à la direction Environnement-Santé de la ville de Limoges.

 

 

 


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